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Walter Georges Henri

Thibaut Manent : « Un pot de Papa Outang permet de protéger 1 mètre carré de forêt tropicale en Indonésie. »​

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Loïc Guichaoua et Thibaut Manent, les papas de la pâte à tartiner Papa Outang.

Une pâte à tartiner pour sauver les forêts d’Indonésie. C’est l’idée de Thibaut Manent et Loïc Guichaoua, co-fondateurs de Sensei Family. Baptisée Papa Outang et garantie sans huile de palme, leur pâte à tartiner fabriquée en France sauve 1 mètre carré de forêt tropicale par pot acheté. Comment ? En reversant une partie des ventes à l’association Kalaweit, engagée dans la sauvegarde de la biodiversité en Indonésie.

« Thibaut, vous vous décrivez comme un activiste. Comment définissez-vous le type d’activisme que vous pratiquez ?

— Lorsque nous créons une marque avec Sensei, nous partons du constat d’un problème, pour arriver à une solution.  

Si l’on prend l’exemple de Papa Outang, nous partons des nombreux problèmes que pose l’huile de palme pour les forêts en Indonésie.  

Dans nos produits de consommation, on trouve de l’huile de palme  presque partout.   

La solution, c’est la pâte à tartiner Papa Outang, sans huile de palme.   

L’activisme, pour moi, passe par cette forme-là : nous avons envie de redonner du pouvoir aux gens. Leur donner la possibilité de ne plus être seulement des consommateurs perdus parmi les grandes marques, qui achètent sans savoir ce qui se passe à l’autre bout du monde.   

Notre but avec Papa Outang, et avec les futures marques que nous développerons, est de donner des informations sur ce qu’il se passe réellement.   

Cela peut être perçu comme quelque chose de politique. Mais, pour nous, c’est privilégier l’action directe et concrète : un pot de Papa Outang permet de protéger 1 mètre carré de forêt tropicale en Indonésie. Ni plus, ni moins.  

Notre définition de l’activisme, c’est défendre des valeurs émergentes que de plus en plus de personnes partagent. Nous sommes aussi là pour dénoncer les agissements de certaines marques, qui commercialisent encore des produits à l’impact néfaste, que ce soit pour l’humain ou la planète. 

Quels éléments, dans votre parcours personnel ou professionnel, ont été les activateurs de cet activisme ?

— À l’âge de 15 ans,  j’ai commencé à prendre conscience de certains aspects du monde. Je me suis renseigné sur un tas de sujets. Écologie, justice sociale… 

À cette époque, j’avais déjà en tête que quelque chose clochait dans notre “système”.  

Même si j’étais très engagé dans l’adolescence, dans les idées, pas encore dans les actes, paradoxalement, un peu plus tard j’ai choisi de travailler dans la publicité. J’avais l’espoir, sans doute naïf, que c’était en me trouvant à l’intérieur du système que je pourrais le changer. Je me disais que je ne pourrais pas faire tourner la machine dans l’autre sens sans en devenir un rouage important.   

En arrivant dans la vie active, dans une grande agence publicitaire, j’ai directement travaillé pour de gros clients. Je me suis rendu compte que beaucoup de marques préfèrent greenwasher plutôt qu’agir. Que l’intérêt financier reste prioritaire face aux considérations écologiques ou humaines. L’attitude des grandes marques m’a choqué.    

Je me suis alors fait la promesse que je ne participerais pas à leur petit jeu. J’ai alors quitté le monde de la publicité pour rejoindre celui des startups. J’ai travaillé deux ans dans une petite entreprise, où l’état d’esprit était totalement différent. 

C’est là-bas que j’ai rencontré plusieurs personnes qui m’ont permis de faire germer l’idée de Sensei.  Sensei, c’est aujourd’hui pour moi le moyen de mettre mes compétences, c’est-à-dire créer des marques et apporter des idées, au service de mes valeurs.   

Pourquoi avoir choisi la pâte à tartiner comme premier produit proposé par Sensei ? Est-ce dû au double symbole que sont l’huile de palme et les forêts de l’île de Bornéo ?

— Les scandales autour de l’huile de palme, nous en avons tous entendu parler. Nous connaissons les conséquences ravageuses de sa production. Pourtant, les Français restent les plus grands consommateurs du leader de la pâte à tartiner au monde. Choisir la pâte à tartiner comme premier combat a une forte portée symbolique.   

Malgré la connaissance qu’a le grand public des problèmes posés par la production d’huile de palme, des années après, nous nous rendons compte que sur le terrain (en Indonésie et en Malaisie) rien n’a changé. Pire : la déforestation s’accélère. Ici, en Europe, les grandes marques ont investi des millions d’euros dans des campagnes de greenwashing. Pour se refaire une image en parlant d’huile de palme “responsable”.   

Le problème est que la demande en huile de palme ne cesse d’augmenter, pour l’agroalimentaire ou les biocarburants. Dans le même temps, la forêt tropicale continue de brûler. Ce qui menace l’existence de 193 espèces. Sans parler de tous les dommages collatéraux que subissent les habitants de ces zones. Les problèmes respiratoires causés par les feux de forêt, par exemple. Ou encore l’expropriation des terres.   L’huile de palme est pour nous un combat emblématique, qui est loin d’être fini.  

L’association Kalaweit, que nous soutenons à travers Papa Outang, achète des parcelles de forêt avant que les industriels mettent la main dessus. Ces parcelles sont ensuite transformées en réserve naturelle. Elles deviennent donc intouchables.   

Des associations comme Kalaweit, il en existe dans d’autres domaines, comme la justice sociale. Hélas, de manière générale, ces associations ont un problème important : leur financement. Pour mener à bien leurs actions, pour mettre en place des stratégies de préservation ou de sauvegarde, elles ont besoin de pouvoir s’appuyer sur des budgets stables.  Nous élargirons la gamme de produits proposée par Sensei afin de venir en aide à d’autres associations qui se battent pour d’autres causes.  

— Vous êtes deux cofondateurs à l’origine de Sensei, Loïc Guichaoua et vous. Aurait-il été envisageable de vous lancer dans cette aventure sans Loïc ?

— Clairement, sans Loïc, tout cela n’aurait pas été possible. Nous nous sommes bien trouvés : nous sommes très complémentaires. L’un sans l’autre, nous n’aurions pas pu réaliser tout cela.   

Loïc vient du monde de la finance. Avant, il travaillait dans la fusion-acquisition. Il a une vision des chiffres que je n’ai pas. Il a également une vision rationnelle et stratégique primordiale, pour créer une entreprise dans ce secteur particulier.   

Mon domaine, c’est davantage la conception du produit, le monde des idées. Par exemple, pour Papa Outang, j’ai conçu la première version de la recette. Mais sans lui, nous n’aurions jamais pu produire Papa Outang à grande échelle.   

Nous avons un fonctionnement qui est basé sur la confiance. Il me fait confiance sur tout ce que je fais. Je lui fais confiance sur tout ce qu’il fait.   

Nous avons une organisation du travail assez spéciale. Nous ne travaillons quasiment jamais ensemble au même endroit. Nous n’avons pas de bureau, et nous n’avons pas le projet d’en avoir, du moins à court terme. Nous nous voyons de temps à autre, mais nous travaillons à distance la plupart du temps.   

Travailler en tandem, c’est toujours pouvoir compter sur quelqu’un. C’est important lors de la prise de décisions critiques.   

Je trouve également que les victoires sont plus belles lorsque l’on mène un projet à plusieurs. Guillaume est également à nos côtés depuis le début de l’aventure. Il réalise nos vidéos, et nous aide à prendre du recul. Nous sommes donc désormais trois à partager les victoires.  

Lorsque l’on crée une entreprise, la probabilité de se planter est forte. Mais, lorsque cette aventure se fait à plusieurs, même si cela n’aboutit pas, à la fin il reste une belle aventure humaine. »

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