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Saki : « J’entreprends la création d’une vidéo comme une chorégraphie. »​

video motion design saki
Saki. Crédit photo : Soliou Ligali.​

Artiste visuelle et directrice artistique, Saki utilise photographie, vidéo, 3D et motion design dans ses créations, explorant différentes manières de créer des images par des médias mixtes. Elle travaille notamment dans le domaine de la musique, de la mode et du luxe.

« Saki, de quelle manière faites-vous se rencontrer votre univers visuel et l’univers musical qui est le cœur d’une commande qui vous est adressée, comme cela a été le cas avec la scénographie du titre Soleil de Roméo Elvis ?

— Le lien entre musique et création visuelle est un lien très fort dans mon travail, puisque je pratiquais la danse hip-hop auparavant. Cela explique sans doute que je travaille de plus en plus avec des festivals de musique et des artistes du monde de la musique.  

J’entreprends la création d’une vidéo, d’un univers visuel, comme une chorégraphie. De la même manière qu’un danseur, dans un premier temps je me laisse guider par mes émotions.  

Lorsqu’il s’agit d’un travail de commande, comme c’était le cas avec Roméo Elvis, je suis contactée par une production qui connaît déjà mon travail, et dont les références visuelles sont proches des miennes. J’ai un environnement 3D qui est assez brut. Il n’y a pas de volonté de photo-réalisme. La matière brute est assumée.  

Le travail s’effectue à partir d’émotions, mais il faut aussi être très méthodique. Dans le cas de la scénographie de Soleil, pour Roméo Elvis, j’ai travaillé à partir des supports de la scénographie de la tournée « Chocolat tour », plusieurs écrans géants. Et à partir de boucles d’images, des paysages imaginaires. Se sont alors mis en place des allers-retours entre ce travail et mes autres travaux personnels où la danse et la musique sont très présents.   

De manière générale, des ponts s’établissent entre les travaux de commande et mes travaux plus personnels. La façon de créer se rejoint. Le mouvement n’est jamais très loin, il me guide, puis les choses se mettent en place de manière empirique. C’est alors un travail  de composition, qui a beaucoup de points communs avec une chorégraphie : telle chose doit survenir à tel moment.  

— Dans vos créations, vous utilisez la photographie, la vidéo, la 3D, les effets spéciaux numériques (CGI), le motion design. La technologie et sa constante évolution sont donc prépondérantes dans la maîtrise de vos outils de travail. Comment imposez-vous votre patte sans qu’elle soit cannibalisée par l’aspect technologique ?

— Lorsque l’on fait le choix d’utiliser des outils digitaux, à forte composante technologique, on  se confronte forcément à des problématiques de compétence et d’adaptation aux évolutions. J’ai d’abord travaillé comme graphiste dans le print, avant d’évoluer vers la 3D et le motion design.  

Je suis créative avant d’être technicienne. L’œil que l’on a développé, ce n’est pas quelque chose qui se perd. La maîtrise technique est toutefois un passage obligé pour parvenir au résultat que je souhaite atteindre. La partie émergée de l’iceberg, c’est le résultat final des travaux. Mais pour parvenir à ce résultat, il y a un travail constant d’apprentissage. Il faut sans cesse s’exercer à de nouvelles techniques, se tenir au courant des nouveautés.  La maîtrise technique demande d’être entretenue. Les nouvelles technologies peuvent être perçues comme une contrainte, ou comme une limite. On peut aussi être leurré par les résultats que permettent d’obtenir des outils très puissants. Il faut veiller à ce que ces outils ne prennent pas le pas sur le véritable travail de création.   

Ce que je trouve formidable, ce sont les possibilités quasi infinies qui sont offertes. Il est toujours possible de tordre les outils pour faire émerger quelque chose de nouveau. Il faut expérimenter.  

Utiliser les moyens technologiques à sa façon est une manière de s’émanciper du poids, qui peut être ressenti comme écrasant, de la technologie. De la mettre au service de la poésie, du rêve et de l’émotion, de se créer un espace fait sur mesure, que l’on maîtrise totalement. À cette fin, j’essaie de trouver un langage qui établit un dialogue entre le réel et la création, et entre les différents médiums que sont la photo, la vidéo, la 3D, le motion design. 

— Par quels moyens donnez-vous de la visibilité à votre travail, en tant qu’artiste émergente ?

— C’est à la fois compliqué, et peut-être moins compliqué que cela pouvait l’être avant, puisque nous évoluons dans un environnement ultra-connecté. Instagram, par exemple, est devenu un outil très important pour les artistes, et d’autant plus pour ceux qui travaillent dans le domaine visuel.   

Dans mon cas, la visibilité vient davantage de mes projets précédents. J’ai plutôt de la chance à ce niveau-là. Des personnes avec lesquelles j’ai travaillé parlent de moi à d’autres personnes, et le mot passe.   

Lorsque je travaille pour un festival de musique, cela a un rayonnement important. Les projets avec We love green et Peacock Society m’ont apporté une très bonne visibilité. Ainsi que ma présence dans certaines expositions.  

Chacun a sa sensibilité propre qui influe sur la meilleure manière de communiquer pour lui. Je suis beaucoup plus à l’aise lorsqu’il s’agit de présenter mon travail en rencontrant des personnes physiquement, en échangeant de visu. J’ai davantage de difficultés à m’ouvrir sur des plateformes comme Instagram. Je les envisage davantage comme une vitrine visuelle que comme un lieu d’échange.   

Mon travail a gagné en visibilité, cela a commencé à fonctionner pour moi à partir du moment où je me suis acceptée telle que je suis. J’ai une identité composite, des origines algériennes. J’ai grandi dans une sorte d’autocensure, avec l’idée constante de m’intégrer, d’être dans les clous, de ne pas dépasser de ci et de là.   

Durant mes études d’arts appliqués, même si je me suis toujours sentie libre, j’ai autocensuré ma double culture, mon identité fortement influencée par le hip-hop, le  breakdance… Je me suis efforcée de me fondre dans la masse.   

Dès lors que j’ai accepté ce qui me caractérise, dès lors que j’ai assumé mon goût pour certains types de musique, dès lors que j’ai accepté l’idée de ne pas faire du graphisme seulement pour des élites mais aussi pour un grand public, dans un langage qui parle à tout  le monde, dès lors que j’ai compris que je pourrais travailler avec des marques de streetwear comme avec des marques de luxe, avec des références qui me sont propres, avec mon bagage culturel, j’ai compris qu’il y aurait des personnes à qui mon travail parlerait. » 

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