Comment réaliser une interview ? 7 conseils pour progresser
Comment réaliser une interview ? C'est la question que je me suis posée il y a plus de dix ans, quand j'ai commencé à couvrir le Festival d'Avignon. Depuis, j'ai réalisé plus de 160 interviews avec des personnalités du monde artistique.
L'interview occupe également une place importante dans mon activité de création éditoriale pour les entreprises et institutions. Elle fournit une matière irremplaçable.
Vous avez besoin de conduire des interviews au sein de votre entreprise, à des fins de communication interne ou externe ? Vous créez un podcast (ou un autre média) ou vous souhaitez améliorer le contenu de votre podcast grâce à des interviews de qualité ? Dans cet article, je vous présente 7 conseils pour progresser dans l'art de l'interview.
Les 7 conseils pour réaliser une interview (et un exemple à ne pas suivre !), détaillés dans la suite de cet article :
Un exemple à ne pas suivre : le cas Hugues Delatte,
1. Allez plus loin que ce que vous pensez savoir à propos de la personne interviewée,
2. Choisissez votre type d’interview avant de préparer vos questions,
3. Encouragez les digressions, avec maîtrise,
4. Évitez les 2 postures extrêmes : le juge et le fan,
5. Évitez l’interview promotionnelle,
6. Effacez-vous,
7. Parachevez votre interview.

Un exemple à ne pas suivre : le cas Hugues Delatte
Qu’une interview soit publiée sous une forme écrite (sur support papier ou digital), audio (par exemple un podcast) ou vidéo, sa réussite est conditionnée par le respect de règles d’or. Leur méconnaissance augmente drastiquement le risque d’obtenir une interview qui sera, au mieux, de piètre qualité.
De drôlatiques exemples d’interviews totalement manquées ont été donnés par Raphaël Mezrahi. Dans une série de 136 entretiens réalisés au début des années 90 avec des célébrités du petit et du grand écran, l’humoriste et acteur, alors inconnu, campe le personnage d’un journaliste, Hugues Delatte.
Les ressorts comiques de ces séquences souvent fameuses reposent sur le décalage entre ce qui est attendu d’un journaliste posant des questions à une personnalité et la prestation plus que brouillonne qu’inflige Hugues Delatte à ses invité.e.s. De l’agacement poli à la bienveillance, en passant par la colère et les fous rires, les réactions de ses ≪ victimes ≫ participent au comique de situation fomenté par Raphaël Mezrahi.
Si vous ne connaissez pas les interviews de Hugues Delatte, je vous invite à en regarder quelques-unes sur Youtube, en recherchant simplement ≪ mezrahi. ≫
En quoi les ≪ interviews ≫ de Hugues Delatte sont-elles représentatives de ce que n’est pas une interview ?
En premier lieu, l’impréparation du faux journaliste atteint des sommets. À Brigitte Fontaine, il demande si elle est bien la maquilleuse. À Guy Marchand, il affirme que celui-ci a été pronostiqueur. À Jean-Pierre Castaldi, il dit ne l’avoir jamais vu dans un film. Une impréparation extrême, certes, mais qui donne une idée du malaise ressenti par l’interviewé.e lorsque les questions qui lui sont posées dénotent une méconnaissance de son parcours ou de son actualité.
Autre infirmité de Hugues Delatte : son incapacité totale à écouter et à s’ouvrir à l’imprévu. Par gentillesse, malgré le temps perdu que représente l’interview en cours, de nombreuses personnalités tentent de sauver ce qui peut encore l’être en essayant de prendre en main l’entretien. Elles l’orientent généreusement vers un sujet exploitable. Hélas, Hugues Delatte ne manque jamais de les interrompre en se targuant de son statut de journaliste professionnel, qui pose ses propres questions.
Pire, au fil de ses déconvenues, loin de se faire tout petit, Hugues Delatte s’arroge une place énorme durant l’entretien. Il s’obstine à vouloir démontrer certains points à ses invités à leur propos, impose des questions orientées, voire des affirmations tombées du ciel. Il va jusqu’à introduire des éléments personnels dans la conversation pour impressionner ou amadouer l’interviewé.e.
Bien que les manquements de Hugues Delatte donnent déjà une idée, par effet miroir, de certaines règles d’or favorables à la réussite d’une interview, passons maintenant aux choses sérieuses : des principes adaptables au profil de la personne avec laquelle vous allez vous entretenir, et à votre profil d’interviewer.
Bien sûr, la maîtrise de ces principes ne peut être atteinte en un claquement de doigt.
En outre, l'interview est sans doute un domaine où il est toujours possible de progresser, puisqu’il s’agit d’aller vers une autre personne et d’explorer avec elle son histoire. Un défi passionnant !
1. Allez plus loin que ce que vous pensez savoir à propos de la personne interviewée
Cela vous apparaîtra peut-être comme une évidence, mais compte-tenu de la pauvreté de certaines interviews, il est permis de douter que ce principe de base soit toujours appliqué : enrichissez votre connaissance de l’interviewé.e… avant l’interview !
Deux pièges sont à éviter :
- Vous contenter de vos acquis à propos de la personne que vous allez interviewer,
- Vous contenter d’un cv succinct, une suite de dates et de faits marquants, ou d’un dossier de presse selon les cas.
Pourquoi vous contenter de vos acquis est à éviter ? Tout simplement parce que la personne que vous avez en face de vous a sans doute évolué depuis la dernière fois que vous vous êtes renseigné.e quant aux étapes de son parcours. Aussi est-il primordial, avant une interview, de rafraîchir les informations dont vous disposez.
Il m’est arrivé d’avoir l’opportunité d’interviewer plusieurs fois la même personne, à une ou plusieurs années d’intervalle. À chaque fois que ce cas s’est présenté, j’ai d’abord relu l’interview précédente que j’avais publiée, afin de me replonger dans l’entretien et dans le rapport que nous avions établi, mais surtout j’ai mis un point d’honneur à renouveler ma base de connaissances à son sujet. Grand bien m’en a fait, puisque je me suis aperçu qu’une foule de nouvelles informations utiles à la réalisation d’une interview pertinente et riche étaient à ma disposition.
Pourquoi se contenter d’un cv succinct ou d’un dossier de presse est à éviter ? S’arrêter à la suite de dates et de faits que retrace une biographie express ne mène jamais très loin. Cela reviendrait à limiter vos questions à une fastidieuse confirmation que ces faits se sont bien déroulés selon cette chronologie. Aucune dynamique, aucun liant, aucun approfondissement… Vos questions vont fatalement tomber à plat.
Il est important que la personne que vous interviewez sente que vous vous êtes intéressé.e à son travail, à son domaine d’activité, à son itinéraire. Et ceci avec un sens du détail et en effectuant des mises en perspective. Souvent, ce sont dans les détails que se trouvent les meilleures questions, de nature à nourrir une interview qui sort du lot.
Où trouver des informations sur l’interviewé.e ? Nul besoin de se muer en détective pour parvenir à ses fins. Une recherche via votre moteur de recherche préféré va grandement vous aider… à condition de ne pas vous arrêter aux premiers résultats de recherche ! Il ne faut pas hésiter à fouiller au-delà des premières propositions. Interviews, portraits, articles, critiques... Tout est bon à prendre au moment de la collecte. Bien sûr, il serait dommage de passer outre certains résultats qui dans le moteur de recherche s’affichent parmi les premiers, comme les pages Wikipedia : celles-ci, construites à partir de contributions qui sortent fréquemment du cadre journalistique ou institutionnel, peuvent contenir de petites pépites qui vous orienteront vers une question que vous n’aviez pas envisagée.
Les réseaux sociaux peuvent aussi se révéler être une mine d’or quand on cherche à enrichir sa connaissance d’une personne, qu’il s’agisse de son compte public ou de posts la concernant.
Un rappel cependant : quelque soit la source d’une information, il est recommandé de ne pas en tirer des conclusions hâtives et de recouper autant que possible celle-ci avec d’autres sources. Quand une information vous semble trop exotique, ou douteuse, ne basez pas le cœur de votre interview sur celle-ci. Si vous tenez vraiment à l’exploiter par le biais d’une question, prévenez l’interviewé.e que vous avez lu quelque chose à son sujet mais que vous n’êtes pas certain.e de sa validité… et prévoyez une question de rechange !
En résumé : même si vous pensez tout savoir à propos de la personne que vous vous apprêtez à interviewer, remettez ceci en question et complétez votre collecte d’informations. Plus votre connaissance de la personne interviewé.e sera riche, plus il vous sera aisé d’élaborer des questions pertinentes, qui se démarquent, et qui vont établir un lien de confiance avec la personne interviewé.e.
2. Choisissez votre type d’interview avant de préparer vos questions
Maintenant que vous avez à votre disposition une masse d’informations fraîches et judicieuses, il est temps de préparer vos questions.
Mais attention, la teneur des informations que vous avez collectées conditionne directement le type d’interview que vous allez réaliser.
Parmi les types d’interview, on trouvera :
- L’interview orientée vers le parcours de l’interviewé.e,
- L’interview orientée vers l’actualité de l’interviewé.e,
- L’interview ≪ du coq à l’âne ≫,
- L’interview d’un.e expert.e,
- L’interview de décryptage,
- Un mix entre plusieurs types d’interview susnommés.
L’interview orientée vers le parcours de l’interviewé.e est à forte connotation biographique. À première vue, il s’agit d’une interview assez facile à mener : les faits sont établis et vous ne prenez pas beaucoup de risques en revenant dessus. Toutefois, vous devrez savoir rebondir sur les éléments à propos desquels l’interviewé.e est la/le plus prolixe et semble la/le plus à l’aise. Souvent, ces éléments méritent d’être creusés. Sans quoi l’interview manquera de relief et d’allant. Une recette infaillible pour endormir votre audience !
L’interview orientée vers l’actualité de l’interviewé.e est la plus courante. Elle présente un avantage évident : l’actualité de la personne que vous vous apprêtez à interviewer place celle-ci dans une dynamique. La tâche qui vous incombe est de retranscrire cette dynamique à travers vos questions. Le piège principal de ce type d’interview est de tomber dans une insipide interview promotionnelle, où l’actualité de l’interviewé.e se mue en produit qu’il s’agit de placer. Prenez comme exemple (à ne pas suivre) ces interviews de stars du cinéma, totalement formatées, où quelque soit le média, est répété un argumentaire selon lequel le scénario est formidable, la distribution incroyable, la réalisation extraordinaire… La promotion n’est pas de l’information !
L’interview ≪ du coq à l’âne ≫. Comme son intitulé l’indique, ce type d’interview passe d’un sujet à un autre, sans se soucier de la cohérence entre les questions et sans ménager une transition entre celles-ci. Par exemple, en passant d’un élément biographique et/ou personnel à un élément d’actualité, et inversement. Il faut une certaine expérience en la matière pour réussir une telle interview, où il y a à boire et à manger, sans quoi le résultat final sera une bouillie indigeste que votre audience abandonnera prestement.
L’interview d’un.e expert.e. Par rapport aux autres types d’interview, l’interview d’un.e expert.e présente comme particularité de ne pas avoir pour sujet la personne que vous interviewez, ou un projet auquel l’interviewé.e participe ou a participé. Il s’agit d’exploiter l’expertise de l’interviewé.e à propos d’un sujet précis.
Ce type d’interview peut revêtir les fausses allures d’une interview immanquable, puisque l’expert possède un fil de pensée déjà construit à propos du sujet, qu’il va inéluctablement suivre et développer. S’il n’est pas requis d’être soi-même un spécialiste du sujet, l’interview d’un.e expert.e nécessite cependant de structurer au préalable l’interview et de veiller, pendant la conduite de l’interview, à ce que l’expert ne se lance pas dans une conférence susceptible de rebuter l’audience. Il est important de laisser l’expert.e développer ses idées, mais il faut garder à l’esprit la structure d’interview que vous avez mise en place au préalable, et réorienter si nécessaire.
L’interview de décryptage est la plus complexe à préparer et à conduire. Il s’agit de décrypter les choix effectués par l’interviewé.e au fil de son itinéraire, d’effectuer des mises en perspective porteuses de sens. En somme, c’est aller au-delà de la surface. Le travail de préparation revêt une importance encore plus cruciale que dans les autres cas. Ne vous aventurez pas dans ce type d’interview si vous n’avez pas une connaissance avancée du travail de la personne et si vous ne disposez pas d’une somme conséquente d’informations à son sujet. Ne vous lancez pas non plus dans cet exercice si vous estimez que votre capacité à explorer les méandres de l’âme humaine est limitée.
Une fois que vous aurez opté pour un type d’interview, ou pour un mix de certains types d’interviews, l’élaboration de votre série de questions devrait vous sembler plus aisée.
Cette opération doit prendre en compte un aspect pratique : de combien de temps allez-vous disposer pour recueillir les propos de l’interviewé.e ? Se mettre d’accord par avance quant à la durée de l’entretien est impératif. Je conseille de rappeler cette durée au début de l’entretien, pour éviter tout malentendu et une interview potentiellement tronquée. En outre, ne prévoyez pas 10 questions si vous ne disposez que de 30 minutes. En revanche, prévoyez une ou deux questions supplémentaires, au cas où l’une de vos questions suscite une réponse peu exploitable, peu intéressante ou trop courte.
Plusieurs pièges sont à éviter lors de l’élaboration des questions :
- La question fermée. Logiquement, celle-ci aura pour réponse un ≪ oui ≫, ou un ≪ non ≫, ou un choix entre l’une des possibilités que présente votre QCM. Par bonté, l’interviewé.e développera peut-être, mais la question fermée reste à exclure.
la question longue et alambiquée. Privilégiez une formulation simple, dépourvue d'ambiguïté, et qui ne prête pas à interprétation.
- La question-démonstration. Il s’agit de toute question où vous cédez à la tentation de vouloir démontrer quelque chose. Que ce soit en étalant vos connaissances sur un sujet ou en précédant la question d’une démonstration qui introduit un biais dans la perception de la question.
En résumé : la collecte d’informations ainsi que vos affinités avec ce type d’interview vont orienter votre choix quant au type d’interview que vous allez conduire. Vient ensuite l’élaboration des questions. Elles doivent être claires et amener l’interviewé.e à développer ses idées de manière fluide et naturelle.

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3. Encouragez les digressions, avec maîtrise
Systématiquement, avant le début de l’entretien, qu’il s’agisse d’une interview biographique, d’une interview orientée vers l'actualité, ou d’une interview de décryptage, j’encourage l’interviewé.e à effectuer, si souhaité, des digressions.
Selon le dictionnaire Larousse, une digression est ≪ un développement parasite dans un discours structuré. ≫
Définie de cette manière, la digression n’est pas très attractive. Mais dans le contexte d’une interview, croyez-moi, ce développement parasite dans un discours structuré peut s’avérer être une mine d’or.
Bien sûr, le caractère exploitable de la digression n’a rien d’automatique. Parfois, vous ne pourrez tout bonnement rien en faire, que ce soit lors de la retranscription écrite ou du montage audio ou vidéo.
Néanmoins, quand la digression apporte un élément que la collecte d’informations la plus poussée n’aurait pas pu vous fournir, je vous assure que vous l’accueillez à bras ouverts.
Dans ce cas, après l’interview, le travail consiste à intégrer la digression ≪ pertinente ≫ de la manière la plus fluide possible au sein de l’interview. En effet, par nature, la digression ne répond pas directement à l’une des questions que vous avez posées. Un exercice d’insertion plus facile à l’écrit, où vous pouvez créer a posteriori une question correspondant à la digression. En audio ou en vidéo, il faudra procéder à un montage très fin, voire à aucun montage si la survenance de cette digression paraît plus naturelle ainsi.
Le piège, quand vous encouragez les digressions et que l’interviewé.e prend plaisir à en effectuer, est que ces digressions cannibalisent le reste de l’entretien. Gardez toujours à l’esprit que l’interview se place dans un cadre temporel convenu à l’avance, et donc limité. Pour en revenir à la définition de la digression (≪ un développement parasite dans un discours structuré ≫), la digression peut dans une certaine mesure parasiter le discours structuré (structuré par vos questions), mais elle ne doit en aucun cas prendre une place démesurée dans le temps qui vous est imparti. Si une digression, pertinente ou non, menace le bon déroulement de l’interview suivant la structure-cible établie par vos soins, vous devrez amener de nouveau l’interviewé.e vers vos questions. Avec un impératif : ne pas froisser l’interviewé.e ! Un jeu subtil, qui nécessite du tact et un bon timing.
En résumé : même si, parfois, vous rentrerez bredouille de cette démarche, encourager les digressions peut enrichir l’interview de manière inattendue. Les digressions doivent cependant rester un complément à l’interview structurée que vous avez prévue, et non se substituer à elle.
4. Évitez les 2 postures extrêmes : le juge et le fan
Il est inévitable d’avoir une opinion, une appréciation, négative ou positive, à propos de l’interviewé.e. Pour réussir votre interview, vous devrez cependant tendre autant que possible vers la neutralité. Vous devrez mettre de côté toute valorisation ou dévalorisation immodérée de son parcours ou de son travail. Ceci vaut durant l’élaboration des questions, l’interview et le travail de restitution de celle-ci. Sans quoi vous allez introduire un biais que votre audience percevra à coup sûr comme une tentative de l’orienter vers votre propre opinion au sujet de l’interviewé.e.
Attention, cela ne vous empêche pas d’avoir un mot courtois pour l’interviewé.e avant le début de l’interview ! Montrer que vous lui portez de l’intérêt est non seulement une marque de politesse, mais cela permet de rompre la glace et de démarrer l’interview dans un élan positif.
Que trouve-t-on aux deux extrémités de la neutralité ? Deux postures à proscrire : le juge et le fan.
Le juge se situe à l'extrémité négative. Il oriente l’interview de manière à mettre en mauvaise posture l’interviewé.e. L’entretien vire au débat, voire à la joute verbale. Cela peut produire des moments mémorables, comme dans l’interview de Georges Marchais par Jean-Pierre Elkabbach dans l’émission Cartes sur table en 1980. Mais, au fond, ce type d’interview n’a pas grande valeur, sauf si vous travaillez pour un média qui utilise le clash pour gonfler son audience.
Le fan se situe à l’autre extrémité, positive. Il voue une grande admiration pour l’interviewé.e et ne s’en cache pas. Les questions en forme de compliment affluent, l’interviewé.e a le sourire, mais cela ne mène jamais très loin. Tout au plus, vous obtiendrez une interview mièvre.
En résumé : soyez courtois lorsque vous rencontrez l’interviewé.e, mais visez autant que possible la neutralité. Votre audience ne doit pas percevoir votre opinion à propos de l’interviewé.e.

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5. Évitez l’interview promotionnelle
Il est possible de tomber dans le piège de l’interview promotionnelle sans être tombé dans celui de la posture du fan.
Vous avez l’intention de faire preuve de neutralité, mais voilà, votre invité.e a une actualité et compte bien mettre à profit l’espace d’expression que l’interview lui offre… sous la forme d’un espace promotionnel.
Dans la mesure du possible, vous devrez vous affranchir de l’interview promotionnelle, car une interview n’est pas une publicité. Évidemment, toute interview est une publicité indirecte pour l’interviewé.e, mais elle ne saurait être cantonnée à ce rôle.
Il existe cependant des cas où par convention, l’interview est promotionnelle. Par exemple, un.e journaliste qui interviewe une star de cinéma dans le contexte de la tournée promotionnelle de son nouveau film devra se plier à cet exercice.
Quand le contexte n’impose pas que l’interview soit promotionnelle, si vous sentez que l’interviewé.e a tendance à orienter vos échanges vers son auto-promotion, vous devrez faire preuve de tact pour garder le cap de l’interview.
J’ai acquis une grande partie de mon expérience en matière d’interview en conversant avec des personnalités du théâtre. Même si cela implique que, la plupart du temps, une nouvelle pièce de théâtre domine l’actualité de cette personnalité, je suis rarement confronté à un.e interviewé.e s’efforçant de faire de l’interview un espace publicitaire. En fait, à titre préventif j’utilise une astuce simple : ma première question exclut que la pièce de théâtre puisse être considérée comme un produit qu’il s’agit de placer.
En résumé : hormis les cas où le contexte veut que l’interview soit promotionnelle, une interview n’est pas un espace publicitaire. À vous de diriger l’interview loin de cet écueil, et si l’interviewé.e tente de la transformer en promotion, maintenez l’entretien sur les rails, avec tact.
6. Effacez-vous
Rassurez-vous ! Il ne s’agit pas de disparaître pendant l’interview ! Au contraire, s’effacer, c’est se donner les moyens d’être encore plus présent au cours de l’entretien, mais au bon sens du terme, en passant dans un mode d’écoute hyper active.
En quoi consiste cet effacement ? Cela consiste à éviter deux pièges. Le premier piège, c’est l’excès d’interventionnisme. Le second piège, c’est se mettre en avant.
L’excès d’interventionnisme peut être défini comme la multiplication des interventions, de votre part, qui ne sont pas strictement nécessaires au bon déroulement de l’interview. Au risque de fixer un cadre trop rigide et d’empêcher l’interviewé.e d’avoir une parole libérée.
Comme nous venons de le voir, certaines interventions sont souhaitables : quand les digressions menacent de tronquer l’interview, ou quand l’interviewé.e cherche à effectuer une promotion marquée. On pourrait compléter par la nécessité de demander une clarification quand l’interviewé.e tient des propos abscons, ou répond à côté de la question, mais par expérience, ce n’est guère fréquent.
En dehors de ces cas, vos interventions doivent se limiter à vos questions, et pour la forme à des acquiescements montrant votre attention.
Vous mettre en avant, c’est polluer l’interview avec votre propre histoire, votre propre opinion sur le sujet abordé, voire avec vos petits soucis. Revenons un instant au faux journaliste Hugues Delatte, incarné par Raphaël Mezrahi, dont j’évoquais les exploits en introduction. L’olibrius n’a aucun scrupule à insister, lors de l’interview d’un acteur, sur le fait qu’il a une cousine qui joue aussi la comédie, et qu’elle joue bien. Il n’hésite pas non plus à imposer ses problèmes à ses invité.e.s. Arrivant grimaçant à son rendez-vous avec Alexandre Jardin, celui-ci lui demande par politesse s’il va bien. Une occasion inespérée pour Hugues Delatte, qui déclare souffrir d’une mycose au pied, retire sa chaussette et fait amener une bassine emplie d’eau !
Si vous sentez qu’une sympathie réciproque, une certaine connivence s’est développée avec l’interviewé.e pendant l’entretien, ou que vous vous découvrez des intérêts ou des passions communes, une fois l’interview terminée, et à condition que l’interviewé.e dispose encore de temps, rien n’interdit de converser plus librement.
À quoi sert une écoute hyper active ? Je disais que s’effacer, c’est se donner les moyens d’être encore plus présent au cours de l’entretien, en passant dans un mode d’écoute hyper active.
Vous pensez peut-être que l’interview faisant l’objet d’un enregistrement (du moins, je vous le suggère, même pour une interview écrite), une écoute hyper active n’est pas nécessaire. Quand l’interviewé.e a fini de répondre à une question, vous passez à la suivante, tout bonnement.
Pourtant, ce serait se priver d’une ressource précieuse, qui ne demande qu’à être exploitée : les propos tout frais de l’interviewé.e ! Le temps dont vous disposez toujours en tête, si ce que vient de déclarer l’interviewé.e vous inspire une question de qualité, c’est le moment de la poser ! Votre interview n’en sera que plus riche.
En résumé : n’intervenez pas de manière intempestive et ne vous mettez pas en avant. Écoutez avec attention l’interviewé.e, des questions de qualité vous viendront !
7. Parachevez votre interview
Ce conseil ne s’applique pas aux interviews réalisées en direct, mais aux interviews qui sont publiées ultérieurement à leur captation.
Vous venez de quitter l’interviewé.e. L’interview s’est déroulée comme vous le souhaitiez. Elle est ≪ dans la boîte ≫, en format audio et/ou vidéo. Vous avez le sentiment d’avoir récolté des propos riches et variés, qui répondent parfaitement à la série de questions que vous aviez élaborée. En bonus, vous avez même inséré des questions non prévues, mais de qualité, qui rebondissaient sur les propos de l’interviewé.e.
Parfait ! Vous êtes en très bonne voie pour publier une interview qui sortira du lot ! Mais votre travail ne s’arrête pas ici. Il faut parachever votre interview.
Lors de l’écoute ou du visionnage de l’interview que vous venez de réaliser, il y a de fortes chances que vous vous aperceviez qu’elle n’est pas publiable en l’état. En effet, elle contient des imperfections. Principalement, ces imperfections seront des phrases inachevées, ou manquant de clarté, ou mieux formulées quelques instants après. Ce qui est tout à fait normal, puisque l’interviewé.e n’avait pas préparé à l’avance ses réponses à vos questions. Sa pensée s’est donc construite dans les conditions du direct.
Pour les interviews qui seront publiées sous forme écrite, il s’agit d’un travail d’élagage et d’agencement qui se déroule après la retranscription de votre enregistrement. Pour les interviews qui seront publiées sous forme audio ou vidéo, il s’agit d’un travail de montage.
2 pièges sont à éviter : déformer les propos, et dénaturer l’interview.
Les opérations d’élagage, d’agencement et de montage sont à conduire avec une grande précaution. À trop couper, à trop réorganiser, vous risquez de déformer les propos de l’interviewé.e. Par exemple, faire passer pour radicale une position modérée, en retirant les contrepoids que l’interviewé.e avait pris soin de souligner. De même, ces opérations, réalisées sans maîtrise, peuvent dénaturer une interview, modifier sa tonalité, annihiler les émotions qui pouvaient naître des propos de l’interviewé.e...
En résumé : une interview n’est que rarement publiable en l’état. Il vous faudra la parachever. Imaginez-vous comme un chirurgien effectuant une opération esthétique du visage : votre but est de corriger une imperfection, et non de rendre méconnaissable votre patient !